J’étais au Festival du Rex !

Au Festival du Rex, là où le film d’épouvante est dans la salle autant que sur l’écran, c’est devenu un leitmotiv : au moment le plus crucial, une petite voix perçante s’écrie soudain « Mais que fait la police ? ». Eh bien oui, que font-ils donc, ces policiers qui « ne sont jamais là quand on a besoin d’eux ? » Que font-ils lorsqu’il s’agit de mettre la main au collet de ces assassins insaisissables qui défraient la chronique criminelle ? Tout se passe comme si ces génies du crime tiraient leur prestige de l’inexistence et de l’incapacité des argousins chargés de les attraper.

Festival du RexVoyez Jack l’Eventreur, dépeceur de péripatéticiennes : sur quoi sa légende se fonde-t-elle, si ce n’est sur l’impunité dont il s’arrangea. Pour faire bénéficier ses coupables activités ? Scotland Yard eut beau s’acharner, quadriller White Chapel en long et en large, le bougre ne fut jamais pris. Résultat : un siècle plus tard, il est toujours aussi populaire. Stratégie identique pour M, le maudit de Fritz Lang, autrement dit le vampire de Düsseldorf, qui échappe si bien aux forces de l’ordre que le syndicat des truands de la ville est obligé de prendre en charge sa poursuite, sa capture et… son procès ! Pauvre M, il aurait mieux fait de tomber sous la patte de la maréchaussée… Chez Fritz Lang, qui ne croit décidément pas à l’efficacité de la police allemande sous la République de Weimar, on trouve un autre génie du crime qui passe son temps à narguer toutes les polices : l’infernal Docteur Mabuse, chef d’une organisation criminelle qui trame dans l’ombre les pires complots et donne du fil à retordre au bon gros commissaire Lohmann.

Festival du RexA n’en pas douter, ces bandits de grande envergure sont les héritiers, à notre époque, des malandrins légendaires qui jadis détroussaient les riches pour distribuer aux pauvres à la barbe des soldats du Roy (non sans prélever au passage une bonne commission), les Cartouche et les Mandrin, dont le cinéma a conté les épiques aventures… L’audace et l’ingéniosité des malfaiteurs sont sans limites, et c’est justement pour cela qu’on les admire. A l’inverse, toute l’activité policière revient à mettre des bâtons dans les roues de ces habiles et méritants bandits, à court-circuiter leurs exploits, à les empêcher de battre leurs records. C’est pourquoi fleurissent les films de hold-up où les plus fins limiers se font rouler pour notre plus grand plaisir par les as de la cambriole, sous le signe de leur modèle et de leur père à tous, le grand Arsène Lupin. Une véritable escouade de voleurs élégants et virtuoses est ainsi vouée à la vénération des foules, et le cambriolage est considéré comme un des beaux-arts depuis « Du rififi chez les hommes » de Jules Dassin jusqu’au « Conseil de famille » de Costa-Gavras, en passant par « La main au collet » d’Hitchcock (où le voleur de bijoux Cary Grant, même repenti, reste séduisant), par le très britannique « De l’or en barres », par « Les spécialistes » de Patrice Leconte où l’électronique vient au secours des monte-en-l’air. Pour que leur astuce soit couronnée de succès, il va de soi que les policiers sont soigneusement éliminés et qu’ils ne réapparaissent, essoufflés et verts de rage, qu’au moment de l’inévitable poursuite, lorsqu’il faut courir sus aux chapardeurs, et c’est là que les voitures aux sirènes hurlantes vont s’emmêler les unes dans les autres en de joyeux carambolages. Ridiculiser la police est un hobby universel, particulièrement en faveur dans le cinéma américain des années 70-80 : chez George Lucas, dans « American graffiti », les flics balourds sont les victimes de toutes les farces des teenagers ; dans « Sugarland express » de Spielberg, c’est un interminable cortège de voitures de police qui prend en chasse deux sympathiques fugitifs ; le sommet est atteint avec les « Blues Brothers » de John Landis, où une armée en uniforme s’autodétruit littéralement en un immense tintamarre de ferraille pulvérisée, enchaînant sur un allègre refrain de John Belushi et Dan Aykroyd. Mais que fait la police ? Elle cherche à échapper aux bandits, plutôt que l’inverse.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *